[Animaux de ferme] Classement sans suite dans l’affaire du boeuf de Rethel

[Droit et législation] – [Animaux de ferme]

En octobre 2016, l’image de ce boeuf, équasillé et gisant sur le bitume du marché aux bestiaux de Rethel, avait profondément choqué l’opinion publique et avait suscité de vives réactions.

Le GRAAL avait alors envoyé un courrier recommandé à Laurent de Caigny, Procureur de la République, afin d’être tenu informé des suites de la procédure, et de manifester sa volonté de se constituer partie civile si une audience était fixée.
Une plainte avait été déposée contre X par la Ligue dans l’intérêt de la société et de l’animal (Lisa) pour « sévices graves et de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité » et une enquête ouverte par le Parquet de Charleville-Mézières.

Pour rappel, après que l’animal se soit blessé, son propriétaire l’avait déplacé sur le parking en attendant qu’il se remette peut-être sur ses pattes. Le lendemain, à 8 heures, l’animal ne s’était toujours pas relevé. Il ne sera euthanasié par injection que vers 18 heures, soit près de 24 heures après s’être blessé.

Or, nous venons d’apprendre que l’enquête a abouti à un classement sans suite par le Parquet.

En effet, le Procureur a récemment déclaré :

« Le chapitre est clos au point de vue judiciaire. (…) Aucune infraction pénale n’a été commise, que ce soit par l’éleveur, le transporteur, le vétérinaire et les membres de la Société des usagers du foirail de Rethel (Sufr) qui étaient alors les gestionnaires de l’établissement.

Je comprends que l’image du bœuf équasillé ait pu heurter ceux qui ne connaissent pas la réalité du monde rural, ajoute-t-il.

Sa position était impressionnante, mais l’animal ne souffrait pas. Il n’a pas été maltraité. Il a même connu une mort plus douce que celle qui l’attendait à l’abattoir.  »

Thierry HUET, le Président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) des Ardennes a également réagi en déclarant :

«  C’est un soulagement, (…). Les paysans que nous sommes n’ont ni le temps ni l’envie de rentrer dans des procédures permanentes.

Éleveurs passionnés, nous nous engageons à faire évoluer l’ensemble de la filière de façon saine et respectueuse, soutient-il. Ce, quelles que soient les interprétations de ceux qui ont une vision artificielle de la nature.  »

Affirmant qu’il arrive «  régulièrement  » que des bœufs s’équasillent, Thierry Huet explique que ces derniers parviennent à se relever dans de nombreux cas. «  Cela ne me choque pas, pas plus que de voir un animal mort, poursuit-il. Il n’y a que dans notre société de sensiblerie que cela est problématique.  »

Espérant «  que des enseignements soient tirés de l’affaire du bœuf équasillé  », il se dit satisfait qu’elle a permis «  de mettre en relief les importants dysfonctionnements dont souffrait le foirail  ».

Ces dysfonctionnements étaient connus, puisque depuis janvier, le syndicat intercommunal de gestion du foirail prend des mesures qui se veulent correctives, comme l’explique Yves Decloux, son président :

«  Nous avons fait rainurer tous les quais pour empêcher les bovins de glisser  » (…) «  Le gardien du foirail et moi-même en faisons le tour chaque lundi soir pour nous assurer qu’aucune bête n’y a été oubliée. Cela ne coûte rien.

Il y a deux semaines, raconte-t-il, une bête s’est échappée du foirail. Dans les cinq minutes qui ont suivi, j’en ai été averti. Il y a un mois, enchaîne-t-il, une vache s’est blessée à la cuisse en descendant d’un camion, elle avait une fracture ouverte. Je l’ai fait euthanasier sur le champ. Sur ce point, je serai intransigeant.  »

Incidents récurrents, bêtes « oubliées », graves blessures, euthanasie d’urgence…

Ces déclarations nous rappellent que les marchés aux bestiaux sont des antichambres de l’abattoir, des lieux où les animaux dits « de rente » se blessent, souffrent, et parfois, meurent.

 

Au delà du constat, le GRAAL s’interroge notamment sur la déclaration du Procureur, lorsqu’il affirme, non sans une certaine forme de cynisme, que le boeuf de Rethel n’a pas souffert, ou en tout cas, moins que s’il avait été tué à l’abattoir.

Rappelons que l’équasillage n’est autre que la rupture des tendons et/ou des muscles des postérieurs de l’animal, pouvant s’accompagner de fractures des os du bassin, alors que l’animal glisse et fait « le grand écart ». Lorsque les pattes ne sont pas cassées, l’animal peut parfois parvenir à se relever… jusqu’à l’abattoir :

«  Pour l’aider à caler, explique le président de la fédération départementale bovine des Ardennes, Dominique Philippoteaux, nous lui lions les pattes arrière. Comme elles ne sont pas cassées, l’animal peut se relever et, à nouveau transportable, aller à l’abattoir.  »

Dans le cas du boeuf de Rethel, il nous est extrêmement difficile de croire que cette blessure n’a pas occasionné de souffrances à l’animal.

Au GRAAL, ces déclarations ne nous satisfont pas, nous nous interrogeons :

Cette absence alléguée de souffrance a-t-elle été constatée par un vétérinaire au moment où l’animal s’est blessé ? Ou même lors de son euthanasie ? Toutes les mesures ont-elles été prises par les différents acteurs pendant ces 24h pour prendre en charge l’animal dans les meilleurs délais et conditions ? N’y a-t-il pas eu de la négligence de la part d’un des intervenants ? L’animal n’aurait-il pas pu être euthanasié ou conduit à l’abattoir le plus proche plus tôt dans la journée alors que l’autorisation en ce sens avait été délivrée à son propriétaire ?

D’autres questions, moins juridiques, se posent en filigrane…

Qu’en est-il ide l’absence totale de prise en compte du stress et de la détresse de l’animal, blessé et livré à lui-même toute une nuit et toute une journée ? Comment un éleveur, se disant passionné et respectueux de ses bêtes, peut laisser ainsi l’une d’entre elles dans de telles conditions ?

L’association LISA a demandé la copie des pièces pénales, afin de découvrir «  comment les uns et les autres se sont exonérés de leurs responsabilités  », explique leur avocat, Me Pierre Ramage.

Le GRAAL espère que cette affaire, qui n’ira a priori jamais devant un Tribunal, aura au moins permis de mettre en lumière certains manquements, et ainsi d’améliorer les délais et les conditions de prise en charge des animaux qui se blessent et souffrent sur les marchés aux bestiaux.

Face à la souffrance animale sous toutes ses formes, le GRAAL reste vigilant, et ne manquera pas de déposer plainte ou de se constVideOdit GRAALituer partie civile lorsque nécessaire.

Depuis plusieurs années, le GRAAL milite également pour le développement d’audits éthologiques en abattoirs au travers du projet VidéOdit dont l’objectif principal est de limiter stress et souffrances aux animaux dans les derniers moments de leur vie en abattoir.

Source : http://www.lardennais.fr/29248/article/2017-05-05/boeuf-blesse-au-foirail-de-rethel-pas-de-poursuites